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La Fondation du Cégep de Matane lance un nouveau programme pour soutenir la communauté étudianteLa relation pédagogique de coopération
Le 4 décembre 2020
Établir une relation pédagogique de coopération en classe au collégial constitue, en quelque sorte, une invitation pour l’enseignante ou l’enseignant à instaurer un partenariat avec ses étudiants pour un climat de classe harmonieux.
« La mise en place d’une relation de coopération permet aux adultes de prendre en charge leurs responsabilités à titre d’apprenants, indique Martine Saint-Germain, professeure et chercheuse au Département d’éducation et formation spécialisées de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Cette relation se révèle déterminante pour créer un climat de classe favorable aux apprentissages, surtout pour une clientèle étudiante adulte qui ne souhaite pas être traitée comme de jeunes étudiants, mais plutôt comme des adultes responsables et capables de prendre des décisions sur ce qui relève de ses compétences d’apprenants. »
Martine Saint-Germain a constaté, à titre de conseillère pédagogique au Cégep de l’Outaouais, que les enseignantes et les enseignants rencontraient plusieurs difficultés à gérer la classe au collégial. « En 2010, lorsque les étudiantes et les étudiants qui avaient bénéficié d’une approche par compétences au niveau secondaire sont arrivés au collégial, ces derniers ne voulaient plus seulement rester assis à écouter l’enseignante ou l’enseignant. Ils souhaitaient continuer à demeurer actifs en classe pour apprendre, mais le corps professoral n’était pas équipé en ce sens. Les enseignantes se sentaient obligés de faire de la gestion de classe, ce qu’ils n’avaient jamais eu à faire avant. »
Afin d’appuyer les enseignantes et les enseignants, Martine Saint-Germain a eu recours à l’époque au cadre de référence développé par Yves Saint-Arnaud, éminent psychologue et professeur à l’Université de Sherbrooke. Dans le cadre de ses recherches doctorales, elle a adapté l’approche d’interaction professionnelle de coopération auprès d’une clientèle adulte à la classe au collégial.
Nombreux avantages
« Les avantages de la mise en place d’une relation de coopération sont nombreux, poursuit-elle. Elle permet aux apprenantes et aux apprenants de s’engager, de prendre leurs responsabilités, de participer activement aux activités qui se déroulent en classe. La coopération implique des processus complexes qui font en sorte que non seulement l’enseignante ou l’enseignant a une influence sur sa classe, mais les apprenantes et les apprenants s’influencent aussi entre eux. Ces derniers peuvent prendre leur place, toute leur place, mais juste leur place. L’enseignante ou l’enseignant a néanmoins besoin de diriger un peu cette structure relationnelle qu’elle ou il doit instaurer dès l’entrée en relation avec les nouveaux étudiants. Elles ou ils doivent mettre en place un partenariat avec les étudiantes et les étudiants, que les cours se tiennent en ligne ou en mode présentiel. »
« La mise en place d’un partenariat nécessite au total environ 45 minutes, précise-t-elle. Elle débute par un échange en petits groupes sur les rôles et responsabilités que les apprenantes et les apprenants ont le goût de prendre pour réussir cette session. Ils doivent décider des modalités de fonctionnement du cours, partager leurs attentes comme étudiante ou étudiant, à l’égard de l’enseignante ou de l’enseignant, mais aussi de leurs collègues d’études. L’enseignante ou l’enseignant doit aussi ajouter son grain de sel. Je leur mentionne entre autres, à titre d’exemple, que je veux leur voir leur visage lors d’un cours via la plateforme Zoom. »
« La relation pédagogique de coopération favorise non seulement les apprentissages, mais aussi la collaboration entre les apprenantes et les apprenants. Lorsqu’ils partent en stage, il y a certains savoir-être qui se sont développés par l’entremise de cette expérience de coopération », ajoute Martine Saint-Germain.
Cette approche, qui date de 2016, porte fruits. « Comme elle favorise la participation et l’engagement, le premier constat que l’on peut faire actuellement avec cette façon de faire qui favorise la responsabilisation, est qu’il y a beaucoup moins d’abandons. Des recherches étant en cours, poursuit-elle, nous en saurons davantage plus tard sur l’impact sur les notes. La qualité de vie de l’enseignante ou de l’enseignant se révèle aussi rehaussée. Elle ou il n’est plus le seul à prendre sur ses épaules la responsabilité de la présence en classe et de la réussite des cours. Ce partage du pouvoir par l’enseignante et l’enseignant allège, en quelque sorte, leurs tâches. Cette approche favorise aussi l’entraide entre les apprenantes et les apprenants et amène ceux-ci à développer le meilleur d’eux-mêmes. Il n’y a pas que la compétition en classe, il y a aussi la coopération. La bienveillance permet de développer certains savoir-être essentiels en société. On les amène notamment à expérimenter la responsabilisation en classe. »
État d’être favorable de l’enseignant
L’« état d’être » de l’enseignant (Saint-Germain, 2016) en classe devient une condition qui permet d’instaurer une relation pédagogique efficace.
Selon Martine Saint-Germain, cet état d’être de coopération se manifestent par des comportements observables, tels que :
- l’écoute attentive et la patience pour attendre les réponses ou la réaction des étudiants,
- l’attention constante aux réactions des étudiants afin de pouvoir s’ajuster en fonction de la cible commune,
- l’accueil de la différence,
- la reconnaissance de la valeur de l’autre,
- la confiance dans les nombreuses facultés de l’autre,
- la capacité de questionner l’autre, de le relancer dans ses réflexions,
- le non-jugement personnel,
- la transparence du processus,
- l’enthousiasme en présence des étudiants,
- la curiosité d’explorer une meilleure stratégie d’apprentissage du moment,
- le sourire et le goût d’être là.
« L’intention derrière cet « état d’être de coopération », ajoute-t-elle, est un désir réel de connaître ses étudiants, de s’intéresser à eux pour leur permettre de prendre leur place en classe. Pour y arriver, l’enseignant doit d’abord bien connaître le modèle de coopération, le comprendre et créer des activités qui s’en inspirent. »
Pour en apprendre davantage
« Nous travaillons fort actuellement, partage-t-elle, pour faire connaître le modèle de relation pédagogique de coopération, pour ensuite former les enseignantes et les enseignants à ces stratégies de responsabilisation, de concertation et d’autorégulation notamment. Cette approche n’est pas nécessairement facile, mais elles et ils pourront y arriver avec une formation appropriée et un suivi. Le site Web dédié La relation de coopération présentera ultérieurement les différentes dimensions et pratiques et des outils d’aide. Les enseignantes et les enseignants y auront accès gratuitement. Ils pourront entre autres y partager leurs expériences, leurs embûches, les évènements perturbateurs auxquels elles ou ils ont fait dû faire face. Des capsules vidéo seront aussi présentées, entre autres sur l’Observatoire des pratiques en formation professionnelle. »
Martine Saint-Germain invite les enseignantes et les enseignants intéressés à expérimenter l’approche de coopération ou qui aimeraient obtenir des outils pour affronter certaines difficultés relationnelles à communiquer avec elle à l’adresse courriel St-Germain.martine@uqam.ca.
Un balado a également été réalisé sur le sujet avec madame St-Germain. Pour l’écouter, rendez-vous sur ce lien.
Avec la collaboration de Julie Gagné